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Des manchots d'Adélie le 2 mars 2018 sur un iceberg des îles Danger, en Antarctique © Stony Brook University/AFP Rachael Herman

La banquise de l’Antarctique, après s’être mystérieusement étendue pendant des décennies, se rétrécit à toute vitesse depuis 2014, année charnière pour le continent. Elle a perdu en quelques années une superficie équivalente à quatre fois la France. 

« En trois ans seulement, l’Antarctique a perdu autant de banquise que l’Arctique » en 40 ans, dit à l’AFP Claire Parkinson, climatologue de la Nasa, qui a publié lundi dans les Comptes-rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS) une étude analysant les variations de la banquise antarctique de 1979 à 2018. Les scientifiques savaient déjà que l’Antarctique fondait de plus en plus vite, tout comme l’Arctique, à cause du déversement accéléré des glaciers, ces rivières de glaces poussées lentement vers les rives. Mais pendant des décennies, ils observaient un phénomène à la fois rassurant et intrigant : la superficie de la banquise, c’est-à-dire la glace qui flotte sur l’océan, grandissait.

Claire Parkinson, au centre spatial Goddard de la Nasa, près de Washington, a reconstitué l’histoire la plus précise de cette banquise antarctique, en reprenant et analysant les données de cinq satellites successifs de la Nasa et du Pentagone, qui ne regardent pas les volumes, mais seulement l’étendue, grâce à une mesure des rayonnements (micro-ondes) émis par la glace. Bien sûr, la banquise fondait l’été (janvier-mars) et se reformait l’hiver (juillet-septembre). Mais la couverture avait tendance à grandir au fil du temps, dans toutes les saisons. Il s’est passé quelque chose après 2014. Chaque année voit désormais moins de banquise se former – beaucoup moins.

En 2014, la banquise antarctique était à son maximum jamais enregistré depuis 1979. En 2017, elle était au minimum. La perte dépasse deux millions de kilomètres carrés. La tendance continue apparemment en 2019, dit la climatologue.

Diverses hypothèses

Les scientifiques ne savent pas pourquoi la banquise s’est étendue pendant si longtemps, ni pourquoi elle fond aujourd’hui.

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Le glacier Collins sur l'île King George rétrécit depuis dix ans et montre des signes de fragilité, le 2 février 2018 en Antarctique © AFP/Archives Mathilde BELLENGER

Des hypothèses rivales existent, selon les chapelles scientifiques, qui prennent en compte le trou de la couche d’ozone, les vents, les courants ou la température des eaux profondes, mais aucune n’explique avec certitude le basculement de 2014. 

« Aucune des hypothèses n’est bonne, selon moi », confie à l’AFP Douglas Martinson, océanographe à l’université Columbia, qui a participé au comité de lecture ayant validé l’article. Il prévient que comparer Arctique et Antarctique revient à « comparer des pommes et des camions militaires ».

L’Arctique est un océan entouré de terres, tandis que l’Antarctique est un continent entouré d’océans, où les icebergs sont moins contraints. Contrairement à l’Arctique, l’Antarctique ne se réchauffe pas, et reste l’endroit le plus froid de la planète. C’est la plus grande réserve d’eau douce de la Terre. Ses montagnes de glace contiennent un volume capable de faire monter le niveau des océans de 57 mètres, estimait une étude en 2013.

Chris Rapley, climatologue à l’University College de Londres, souligne que les gains initiaux de la banquise, avant 2014, ne contredisaient en rien le fait que la planète se réchauffait. « Cela démontre seulement que dans un système complexe et interconnecté, des choses contre-intuitives peuvent se produire, en tout cas pendant un moment », écrit le chercheur. « Nous avons tendance à chercher des explications simplistes de cause et d’effet, mais en réalité, la situation est bien plus compliquée et nuancée », conclut-il.