Au Brésil, l'astro-tourisme prêt à décoller
Publié le - par LeBlob.fr, avec l'AFP
« C'est incroyable ! », s'émerveille Pedro Froes en admirant le scintillement bleu et orangé de la « Boîte à bijoux », un amas d'étoiles de la constellation de la Croix du Sud.
Ce spectacle somptueux, ce jeune Brésilien le voit à travers un télescope installé dans une zone rurale épargnée par la pollution lumineuse, le Parc du Densengano, à 260 km au nord de Rio de Janeiro. C'est le tout premier d'Amérique Latine à avoir été reconnu sous l'appellation « Parc de ciel étoilé » par l'ONG de référence International Dark Sky Association (IDA), en 2021.
« Ici, on peut voir 3 000 étoiles par an à l'œil nu. Dans des métropoles comme Rio ou Sao Paulo, on n'en voit que 200 », explique l'astronome Daniel Mello, de l'Observatoire Valongo de l'Université fédérale de Rio (UFRJ). La pollution lumineuse est quasi nulle dans ce parc de 21 000 hectares à la végétation native préservée, entouré de montagnes, à 120 km de la grande ville la plus proche.
L'astronome y guide une vingtaine de visiteurs pour une veillée d'observation du ciel. Muni d'un projecteur laser, il leur montre les constellations du Scorpion, du Centaure ou de la Croix du Sud. Le fin rayon vert qui sort de son projecteur donne au paysage nocturne des airs de scène de la saga Star Wars.
La Voie lactée est visible nettement à l'œil nu (et pas seulement lors des nuits sans lune) tandis que deux télescopes permettent de mieux observer des étoiles plus lointaines.
La veillée entre dans le cadre d'un projet de recherche intitulé « Astro-tourisme dans les Parcs brésiliens » mené par M. Mello et une équipe pluridisciplinaire de spécialistes du tourisme, de l'écologie ou de la photographie.
Festival des étoiles
Environ 80% de l'humanité vit sous un ciel pollué par la lumière artificielle, avec des conséquences importantes pour l'environnement, comme la perturbation du cycle de reproduction des espèces ou la désorientation d'oiseaux migrateurs. Pour ce qui est des êtres humains, cette pollution lumineuse empêche d'admirer pleinement la beauté d'un ciel étoilé, mais elle cause également des troubles du sommeil.
En Amérique Latine, un seul autre site est reconnu par l'IDA, la vallée d'Elqui, au Chili, dans la catégorie « sanctuaire », qui regroupe des lieux isolés.
Contrairement au Chili, à l'Europe et aux Etats-Unis, l' « astro-tourisme » est encore balbutiant au Brésil. Mais Santa Maria Madalena, petite bourgade de 10 000 habitants qui abrite le Parc du Desengano, commence à voir arriver de nouveaux visiteurs attirés par l'observation des étoiles.
Cet afflux s'est « accentué ces dix derniers mois », dit Nelson Saraiva, qui tient un des rares hôtels de cette ville où les habitants vivent surtout de l'agriculture. Mais aujourd'hui, cet enseignant à la retraite est convaincu que l'astro-tourisme peut être à l'avenir le principal pôle d'attractivité de la ville. Au menu, les veillées d'observation très prisées organisées par Daniel Mello, mais aussi des rendez-vous mensuels qui mêlent astronomie et gastronomie.
La municipalité a même commencé à organiser avec des entrepreneurs locaux un Festival des étoiles, pour attirer davantage de visiteurs. La première édition a eu lieu en septembre dernier, et une autre est prévue cette année à la même saison.
Équilibre écologique
Un ciel sans pollution lumineuse n'est pas seulement bénéfique pour l'économie locale. Pour obtenir le certificat de l'IDA, le Parc du Desengano a dû s'engager à promouvoir des activités d'éducation environnementale et à utiliser un éclairage public à faible impact.
« Nous avons une immense diversité d'oiseaux, de mammifères et de reptiles qu'on trouve ici car c'est un lieu préservé (...). La réduction de la pollution lumineuse aide à rétablir l'équilibre de l'écosystème », se félicite la biologiste Carlota Enrici, responsable des recherches du Parc.
Daniel Mello espère que d'autres sites au Brésil vont suivre ce modèle, pour « rétablir la connexion des gens avec le ciel étoilé et avec la nature ».