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Un villageois marche dans un étang asséché, le 11 mai 2022 dans le village de Bandai, dans le district de Pali (ouest de l'Inde) © AFP Prakash SINGH

Sécheresse, perte de récoltes, montée des eaux… Le changement climatique entraîne déjà son lot de morts et de destructions dans les pays pauvres, et les appels se multiplient pour que les pays riches les aident financièrement à s’adapter à cette nouvelle réalité.

Le financement des « pertes et préjudices » subis par les pays pauvres est au cœur de négociations internationales cette semaine à Bonn, en Allemagne, en amont du sommet COP27 de l’ONU en Égypte en novembre.

« Les impacts du changement climatique sont sans frontières », a rappelé la patronne de l’ONU-Climat, Patricia Espinosa. « Ils continuent d’affecter en particulier les personnes, communautés et pays les plus vulnérables, de manière disproportionnée ».

Alors que les négociateurs climat sont réunis en Allemagne, la corne de l’Afrique est frappée par une sécheresse menaçant de famine des dizaines de millions d’habitants.

Même si le lien entre cet épisode et le réchauffement n’est pas avéré, « ce type d’impact représente un solide argument pour le fonds +pertes et préjudices+ », dit Mohamed Adow, directeur du think tank Power Shift Africa. « Les pays riches bloquant le processus sur les +pertes et préjudices+ auront de plus en plus le sang des victimes du changement climatique sur leurs mains ».

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Ali Abdullahi Mohamed, 27 mois, souffrant de malnutrition sévère, est examiné par une infirmière dans un hôpital de Mogadiscio, en Somalie en proie à la sécheresse, le 1er juin 2022 © AFP Ed RAM

Les pays en développement veulent un fonds spécifique pour aider les pays pauvres, les moins responsables du changement climatique, à faire face à ses impacts, quand les pays riches, en premier lieu les États-Unis, préfèrent s’appuyer sur des dispositifs déjà existants.

« Nous savons que les pays et communautés vulnérables font face aux impacts dévastateurs du changement climatique, comme d’ailleurs des personnes aux États-Unis », a dit le représentant américain Trigg Talley devant les délégués, en renvoyant vers une aide humanitaire accrue, de meilleurs systèmes d’alerte face aux catastrophes climatiques ou un accès plus grand aux assurances.  

À la COP26 de Glasgow (Royaume-Uni) fin 2021, les pays pauvres ont accepté à contrecœur un dialogue formel sur le sujet jusqu’en 2024. Sans objectif précis, il pourrait n’être qu’un forum de discussion, craignent-ils.

« On nous a offert un processus qui n’offre pas d’objectif ni de vision claire », regrette Michai Robertson, représentant de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS).

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Un cimetière inondé par l'océan dans l'atoll de Majuro, dans les Îles Marshall, en décembre 2008 © AFP GIFF JOHNSON

Actuellement, les aides sont « une goutte d’eau dans l’océan », comparées aux coûts des dégâts, ajoute-t-il. Elles ne couvrent pas toujours tous les dommages, tandis que d’autres, comme la perte de biens culturels, sont difficilement chiffrables.

Il n’existe pas « de fonds pour la perte de sites culturels recouverts par la montée des océans », a souligné la représentante des Îles Marshall, Kathy Jetnil-Kijiner.

Après plusieurs jours de discussions à Bonn, les pays en développement demandent à ce que le sujet soit officiellement à l’agenda de la COP27, estimant que le système actuel fait reposer le coût économique sur les épaules des plus vulnérables. 

De plus, les habitants affrontent souvent « de multiples chocs sur plusieurs années successives », souligne Teresa Anderson, de l’ONG Action Aid.

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Dégâts causés par l'ouragan Maria à Roseau, en Dominique, le 20 septembre 2017 © AFP STR

La hausse du thermomètre de près de 1,2 °C en moyenne à l’échelle de la planète depuis la période préindustrielle provoque déjà des dégâts considérables et les experts climat de l’ONU, le Giec, ont rappelé cette année que cela ne fera que s’aggraver à chaque dixième de réchauffement.

Les effets du changement climatique ont fait perdre 20 % de croissance aux pays les plus exposés depuis l’an 2000, selon une étude réalisée pour Climate vulnerable forum (CVF), un groupe de 55 pays d’Afrique, d’Asie-Pacifique, d’Amérique latine et des Caraïbes, et publiée le 8 juin. 

L’impact économique est particulièrement important pour l’Afrique, selon le Giec. « Cela fend le cœur de voir que les gains liés au développement que nous avons fait sur les 50 dernières années ont été effacés par une crise climatique que l’Afrique n’a pas causée », regrette Mohamed Adow.

Les pays développés se sont engagés à apporter 100 milliards de dollars par an aux pays du Sud à partir de 2020 pour les aider à financer leur transition écologique et à s’adapter aux conséquences du réchauffement climatique, mais cette promesse n’est pour l’instant pas tenue. Ces mêmes pays riches sont les plus responsables de l’aggravation du changement climatique, faute de réduire suffisamment leurs émissions de gaz à effet de serre.