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Les coupoles du radiotélescope Noema de l’Iram, sur le plateau de Bure, le 20 septembre 2022 dans les Hautes-Alpes © AFP Jeff Pachoud

Et de douze pour les coupoles du plus puissant radiotélescope millimétrique de l’hémisphère nord, juché sur un haut plateau des Alpes, et dont les observations promettent des découvertes allant de la composition de comètes proches jusqu’aux origines de la vie dans l’Univers.

Tout visiteur de l’observatoire Noema (Northern extended millimeter array) termine à pied et à 2550 mètres d’altitude le trajet qui débouche sur un alignement de coupoles scintillantes au soleil, dans un décor minéral parsemé de rares touffes d’herbe et encore vierge de neige. L’installation a déjà permis « des avancées considérables en astronomie, comme la vision des cœurs de galaxies », explique, dans le petit vent glacé qui balaie le plateau de Bure (Hautes-Alpes), Frédéric Geth, astronome et directeur-adjoint de l’Institut de radio-astronomie millimétrique (Iram).

Créé en 1979 à l’initiative de l’Institut allemand Max Planck et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’Iram a été rejoint ensuite par l’Institut géographique national espagnol (IGN). Son fleuron a longtemps été le grand radiotélescope de Pico Veleta, en Espagne, avec sa coupole de 30 mètres de diamètre.

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Des employés travaillent près des coupoles du radiotélescope Noema de l’Iram, le 20 septembre 2022 sur le plateau de Bure, dans les Hautes-Alpes © AFP Jeff Pachoud

En radioastronomie millimétrique, la taille importe pour capter des signaux d’ondes électromagnétiques extrêmement faibles. Une galaxie, par exemple, émet ces ondes dans des fréquences allant des rayons X, les plus énergétiques, en passant par la lumière visible, jusqu’aux ondes radio, les plus faibles en énergie (millimétriques et centimétriques). Les ondes radio sont celles de l’Univers « froid », c’est-à-dire « tout sauf les étoiles », et c’est le royaume de Noema.   

Les coupoles en aluminium de Bure n’ont que quinze mètres de diamètre, mais leur pouvoir de résolution réside d’une part dans leur nombre, passé de six en 2014 à douze cette année, et d’autre part dans leur configuration. 

Mobiles, malgré leurs 120 tonnes chacune, elles sont disposées sur deux voies formant un T. C’est l’astuce de la technique d’observation par interférométrie : elle consiste à pointer exactement au même moment un même objet dans l’espace avec plusieurs coupoles, qui forment une coupole virtuelle aussi grande que la distance séparant les plus éloignées l’une de l’autre. 

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Des coupoles du radiotélescope Noema de l’Iram, sur le plateau de Bure, le 20 septembre 2022 dans les Hautes-Alpes © AFP Jeff Pachoud

Il revient ensuite au corrélateur, un super-ordinateur d’aspect modeste abrité dans une petite pièce de l’observatoire, de combiner par de savants calculs les signaux reçus pour en restituer une image unique. 

L’hiver voit le dispositif des coupoles s’étirer dans sa configuration large, avec une distance maximale de 1,7 km. C’est le « moment principal d’observation, quand l’atmosphère est idéale, avec un air sec, froid et stable », explique Frédéric Geth. 

L’installation s’articule autour d’un imposant hall de maintenance qui abrite la petite salle de contrôle de Noema. Un téléphérique, réservé au matériel, y achemine les équipements nécessaires à l’entretien des coupoles, et au ravitaillement de la base vie habitée en permanence. On accède à la base par un couloir abritant des intempéries et de la neige qui recouvrira bientôt le plateau. 

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Un employé assure la maintenance d’une des coupoles du radiotélescope Noema © AFP Jeff Pachoud

Les coupoles, elles, sont surveillées comme le lait sur le feu, avec un système de chauffage pour que ni glace ni rosée ne perturbe leurs observations. 

Dans la salle de contrôle, André Rambaud, un opérateur, commande leur pointage devant un banc d’écrans. « C’est parti pour l’observation de huit galaxies, qui se trouvent à dix ou douze milliards d’années lumière et que les coupoles vont suivre pendant cinq heures », lance-t-il avec le sourire. L’astronome d’astreinte, Edwige Chapillon, de l’Iram, choisit l’ordre d’observation des projets qui ont été acceptés — jusqu’à près de 500 par an — « en fonction de leur nature et du temps qu’il fait ». 

La science de Noema n’est pas la plus « sexy », comme en conviennent ses astronomes. Difficile de rivaliser auprès du grand public avec les images époustouflantes du nouveau télescope spatial James Webb, par exemple. 

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Les coupoles du radiotélescope Noema © AFP Jeff Pachoud

Mais cette « formidable machine à remonter le temps », comme la qualifie Edwige Chapillon, spécialiste des observations extra-galactiques, apporte des avancées décisives à la compréhension de l’Univers. Les observatoires de l’Iram ont ainsi découvert près de la moitié des molécules interstellaires connues, « les briques de la vie dans l’Univers », remarque l’astronome. 

Et c’est grâce à Noema que des astrophysiciens ont déterminé précisément la température de l’Univers jeune, moins d’un milliard d’années après le Big bang. En outre, le réseau de l’Iram fait partie de la collaboration EHT (Event Horizon Telescope), regroupant les principaux radiotélescopes du monde (dont Alma dans l’hémisphère sud), qui a produit les premières images de trous noirs. Noema a rejoint le réseau en 2021.