En France, les compétences de plus en plus étendues des sages-femmes
Publié le - par LeBlob.fr, avec l’AFP
Non, les sages-femmes ne sont pas là que pour les accouchements. Elles peuvent aussi s’occuper du suivi gynécologique, la contraception, la vaccination et bientôt l’IVG instrumentale : leurs compétences se sont étendues depuis 20 ans, mais restent largement méconnues. « Quand on pose la question, tout le monde sait que les sages-femmes sont présentes au moment d’une naissance. Mais le suivi gynécologique reste dans l’ombre », regrette Isabelle Derrendinger, présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes.
Des centres-villes aux déserts médicaux, « trop peu de femmes savent que dès lors qu’elles sont en bonne santé, elles peuvent venir nous voir » tout au long de leur vie, pour leurs examens de prévention comme le frottis, la prescription d’une contraception, y compris la pose d’un stérilet, poursuit-elle. Les sages-femmes ont pourtant ces compétences depuis 2009.
Pour favoriser l’accès aux soins, dans un contexte de désertification médicale, les pouvoirs publics ont depuis amendé la loi à plusieurs reprises, permettant à cette profession de dépister et traiter certaines infections sexuellement transmissibles (IST), prescrire certains médicaments ou réaliser des IVG médicamenteuses.
Un décret, publié dimanche, leur permet désormais – après formation – de pratiquer des IVG instrumentales en milieu hospitalier, seul endroit où ces IVG peuvent être pratiquées.
Un autre texte leur a donné en août la possibilité de vacciner toute la population selon le calendrier vaccinal (sauf les personnes immunodéprimées). Depuis 2021, elles peuvent également dépister et traiter certaines IST chez les partenaires de leurs patientes.
« Bien sûr, on ne traite pas les personnes atteintes d’hépatite, de VIH, qu’on réoriente vers un médecin. Mais on peut traiter le chlamydia (une infection sexuellement transmissible) par exemple », explique Prisca Wetzel-David, présidente de l’Union nationale et syndicale des sages-femmes (UNSSF).
Dans son cabinet parisien, Mme Wetzel-David reçoit « très régulièrement » des femmes qui tombent des nues, « informées par une amie, une collègue », après avoir « longtemps cherché un rendez-vous gynéco ». Quelques-unes « viennent aussi parce que leurs mutuelles ne couvrent pas bien les dépassements d’honoraires des médecins ».
Trinh Nguyen-Dinh, 32 ans et habitant en région parisienne, a « découvert cette possibilité » fin 2022. « Chez ma gynéco, toujours débordée, je prenais rendez-vous minimum six mois à l’avance, parfois plus. Un jour, j’en ai eu marre. Je n’avais vu personne depuis deux ans et une amie m’a conseillé un homme sage-femme qui la suivait. J’ai eu rendez-vous dans la semaine. C’était génial ».
Enceinte quelques mois plus tard, elle choisit d’être suivie par une sage-femme. « Les consultations sont longues, j’avais toujours cette sensation qu’elle avait le temps de répondre à mes questions, me rassurer. Je n’ai vu le gynécologue qu’au huitième mois, à la maternité », raconte-t-elle. Une autre sage-femme suit désormais l’allaitement à domicile.
« Ce suivi de grossesse de A à Z auprès d’une sage-femme en ville est de plus en plus répandu, il est possible dès lors qu’il n’y a pas de pathologie », souligne Caroline Combot, qui exerce à Belfort et préside l’ONSSF (Organisation nationale des syndicats de sages-femmes). Depuis cet automne, les femmes enceintes peuvent même déclarer une sage-femme dite « référente », chargée de coordonner son parcours de grossesse : organiser l’aspect administratif, le lien avec les autres soignants impliqués...
Un gros tiers des 24354 sage-femmes recensées début 2023 avaient une activité libérale, ou en partie libérale, contre 20% en 2012, selon les chiffres du ministre de la Santé. Le métier de sage-femme est accessible après six ans d’études.
« Les femmes de moins de 30 ans sont de mieux en mieux informées » mais les autres « beaucoup moins », malgré le nécessaire dépistage des IST et cancers, regrette Mme Combot, qui réclame « une vraie campagne de communication », avec spots et affiches. Selon une étude Ifop réalisée en 2022 pour la plateforme Qare, une femme sur trois n’avait pas consulté de gynécologue depuis plus de deux ans, et 22% depuis trois ans.
Et le rôle des sages-femmes est encore appelé à se développer, notamment dans l’éducation sexuelle, la prévention des addictions ou le repérage des violences conjugales. Mais l’activité « croît beaucoup plus vite que le nombre de professionnelles » et « nos délais s’allongent aussi », observe Prisca Wetzel-David, qui appelle à donner « plus d’attractivité au métier ».