Pour compenser les difficultés du parc nucléaire, mais aussi des transports, la France se tourne davantage vers les énergies fossiles. En conséquence, le pays peine à réduire ses émissions de CO2. Sur les neuf premiers mois de l’année, les émissions de gaz à effet de serre ont quasiment stagné (-0,3 %) par rapport à la même période de 2021, selon des données provisoires du Citepa, organisme mandaté pour réaliser l’inventaire français des émissions.

Une tendance qui s’inscrit en net décalage avec la baisse nécessaire pour que la France respecte son objectif d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et reste dans les clous de ses engagements : réduire ses émissions de 40 % d’ici 2030. Une ambition qui doit être renforcée pour tenir compte de nouveaux objectifs européens (-55 %).

« Ces chiffres nous inquiètent forcément, mais on s’y attendait, il n’y a pas de miracles », réagit Jérémie Suissa, délégué général de l’ONG Notre affaire à tous, qui a fait condamner l’État pour inaction climatique l’an dernier. Il regrette l’absence de politique ambitieuse en matière de transports en commun ou d’énergies renouvelables.

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La France peine actuellement à faire baisser ses émissions de gaz à effet de serre à cause d'un recours plus important aux énergies fossiles © AFP Emmanuel Dunand

Dans le détail, les émissions ont notamment augmenté de 12 % sur les neuf mois dans la production d’énergie, selon le Citepa. « Cela s’explique notamment par l’arrêt de nombreux réacteurs nucléaires en 2022 qui a entraîné le recours aux centrales thermiques », relève-t-il.

La France a en effet été confrontée à l’indisponibilité d’une partie de son parc nucléaire en raison notamment de problèmes de micro-fissures. Pour compenser ce manque, le pays n’a ainsi jamais autant consommé de gaz pour sa production d’électricité que cette année. En raison de la crise énergétique, également causée par l’invasion russe en Ukraine, le gouvernement a également renoncé à fermer cet hiver la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle).

Le Citepa pointe également une hausse de 4 % des émissions des transports, avec une évolution en dent de scie selon les mois. « On revient sur le mode de fonctionnement d’avant la crise Covid dans le secteur des transports, qui continue a être tendanciellement à la hausse et pour l’instant on ne voit pas changement structurel réel », remarque Michel Colombier, membre du Haut conseil pour le climat (HCC). Selon l’organisme, la France doit doubler le rythme de baisse de ses émissions à environ -4,7 % par an sur la période 2022-2030.

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Emissions de gaz à effet de serre par mois et par secteur en France, en 2021 et en 2022 © AFP Valentin Rakovsky

Les émissions sont d’autant plus scrutées que la justice avait en 2021 donné jusqu’au 31 décembre à l’État pour agir de manière plus décisive sur le plan climatique, dans un litige porté devant le tribunal administratif de Paris par des ONG réunies sous la bannière « l’Affaire du siècle ». Les ONG se déclarent désormais prêtes à retourner en justice en 2023 pour redemander des pénalités financières, estimant que l’État n’a pas assez agi. « L’étape suivante est de demander des astreintes pour une application réelle par l’État de la décision du juge », souligne Jérémie Suissa.

« Le gouvernement est pleinement engagé pour tenir ses engagements climatiques », assure de son côté le ministère de la Transition énergétique, mettant en avant une série de mesures en faveur de la rénovation énergétique, de la sobriété, du vélo, du covoiturage, ou encore la prochaine interdiction de location des passoires thermiques…