Qu'espèrent apprendre les scientifiques de l'éclipse totale aux Etats-Unis?
Publié le - par LeBlob.fr, avec l'AFP
Comportements animaux étranges, couronne solaire observable comme rarement, et même possibles effets sur les humains : les scientifiques seront à pied d’œuvre lundi pour récolter de précieuses données durant l’éclipse solaire qui traversera les États-Unis.
Les éclipses totales sont « rares », et représentent une « incroyable opportunité scientifique », a récemment souligné lors d’une conférence de presse Pam Melroy, administratrice associée à la Nasa. L’agence spatiale américaine sera aux avant-postes, avec notamment le lancement de fusées-sondes.
Lorsque la Lune recouvrira entièrement le disque central du Soleil, la couche extérieure de son atmosphère, appelée la couronne solaire, sera visible « d’une façon très spéciale », a expliqué Pam Melroy. Or, c’est une zone « que nous ne comprenons pas encore complètement ».
La chaleur de la couronne croit avec l’éloignement de la surface du Soleil, un phénomène contre-intuitif et que les scientifiques peinent à expliquer.
C’est aussi dans cette région supérieure que se produisent les éruptions solaires, ou encore les proéminences, d’immenses structures de plasma.
Durant une éclipse, la partie la plus basse de la couronne est mieux visible qu’en utilisant un instrument spécifique appelé coronographe, explique Shannon Schmoll, astronome à l’Université d’État du Michigan. C’est donc une opportunité en or pour l’étudier.
La baisse de lumière provoquée par l’éclipse, plus rapide et localisée qu’un coucher de Soleil, doit permettre d’en apprendre davantage sur la façon dont la lumière affecte la ionosphère -- afin de pouvoir mieux prédire à l’avenir de potentielles perturbations problématiques.
Les éclipses provoquent des comportements surprenants chez les animaux : des girafes ont par exemple été vues partir au galop, ou des coqs et des criquets se mettre à chanter.
En plus de la lumière, les températures et les vents peuvent aussi baisser, ce à quoi les animaux sont sensibles.
Andrew Farnsworth, chercheur au laboratoire d’ornithologie de l’Université Cornell, étudie l’effet sur les oiseaux. Il utilise des radars météo permettant de détecter les animaux en vol.
Lors de la précédente éclipse aux États-Unis, en août 2017, les chercheurs ont observé « une baisse du nombre d’animaux en train de voler », explique-t-il.
Cette éclipse avait provoqué l’arrêt de comportements diurnes (avec des insectes ou oiseaux se posant), mais sans susciter des comportements nocturnes comme l’envol de chauves-souris ou d’oiseaux migrateurs, détaille-t-il. Cette année, en avril, ces oiseaux pourraient être davantage poussés à migrer.
Une chose enthousiasme particulièrement les scientifiques : le Soleil est actuellement proche de son pic d’activité, qui revient tous les 11 ans.
Ainsi, « les chances d’observer quelque chose d’incroyable sont très hautes », s’est réjoui Pam Melroy.
Les scientifiques vont également étudier les changements dans la partie supérieure de l’atmosphère terrestre, la ionosphère.
C’est par là que passent une grande partie des signaux de communications. « Les perturbations dans cette couche peuvent causer des problèmes pour nos GPS et communications », a souligné Kelly Korreck, responsable à la Nasa.
Or la ionosphère est affectée par le Soleil : ses particules se chargent en électricité sous ses radiations durant la journée.
Trois petites fusées-sondes seront ainsi lancées avant, pendant et juste après l’éclipse depuis la Virginie, dans l’est des États-Unis, afin de mesurer ces changements.
Ces études sont « importantes pour comprendre la manière dont les animaux perçoivent le monde », souligne l’expert.
« Les éclipses ont un pouvoir spécial. Elles touchent les gens, qui ressentent une sorte de révérence pour la beauté de notre Univers », a déclaré cette semaine le patron de la Nasa, Bill Nelson.
C’est ce sentiment d’émerveillement qu’ont étudié des chercheurs en 2017, en s’appuyant sur les données d’un peu moins de 3 millions d’utilisateurs du réseau social Twitter.
Résultat : ceux sur le trajet de l’éclipse avaient davantage tendance à utiliser le pronom « nous » (par opposition au « je ») et à se préoccuper des autres, selon Paul Piff, chercheur en psychologie à l’UC Irvine. Une expérience d’émerveillement semble « nous connecter les uns aux autres », a-t-il résumé.
Il prévoit cette année d’étudier si une telle expérience peut avoir un impact sur les clivages politiques.
Quelque 40 projets de sciences participatives sont également prévus. « Nous vous encourageons à aider la Nasa en observant ce que vous voyez et entendez autour de vous », a appelé Bill Nelson.
Les citoyens participants pourront par exemple enregistrer l’environnement sonore autour d’eux, ou encore la température et la couverture nuageuse à l’aide d’une application sur téléphone.