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Rassemblement devant Westminster, pendant le rapport final de l'enquête sur le sang contaminé, le 20 mai 2024 à Londres © AFP BENJAMIN CREMEL

Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a présenté lundi des excuses officielles pour le scandale du sang contaminé au Royaume-Uni dans les années 1970 et 1990, qui a fait 3 000 morts, à la suite d’un rapport accablant accusant les autorités de dissimulation.

« Je veux présenter des excuses de tout cœur et sans équivoque pour cette terrible injustice », a déclaré devant le Parlement le chef du gouvernement, après la publication de l’enquête publique.

Évoquant un « jour de honte » pour l’État britannique, Rishi Sunak a souligné que son gouvernement dévoilerait mardi un programme d’indemnisation face à ce qui est considéré comme « la pire catastrophe médicale » de l’histoire du système public de santé britannique, le NHS.

« Quel que soit le coût pour mettre en œuvre ce dispositif, nous paierons », a-t-il assuré, promettant une « indemnisation complète ».

Pendant une vingtaine d’années, des milliers de personnes souffrant d’hémophilie ou ayant subi des opérations chirurgicales ont été contaminées par le virus de l’hépatite C et le VIH après avoir reçu des transfusions sanguines.

« L’ampleur de ce qui s’est produit est horrifiante », décrit dans son rapport de plus de 2 500 pages l’ancien juge Brian Langstaff, désigné en 2018 pour conduire cette vaste enquête publique.

Vérité dissimulée

Après sept ans de travaux, l’audition de milliers de témoins et l’examen de dizaines de milliers de documents, elle a conclu que la vérité sur ce drame avait été « dissimulée pendant des décennies » et que le scandale « aurait pu être largement évité ».

« Cette catastrophe n’était pas un accident. Les contaminations ont eu lieu parce que ceux aux responsabilités – les médecins, les services du sang et les gouvernements successifs – n’ont pas donné la priorité à la sécurité des patients », a insisté Brian Langstaff, cité dans un communiqué.

Du fait de pénuries de sang, le service public de santé, le NHS, s’était tourné vers des fournisseurs américains qui rémunéraient leurs donneurs, parmi lesquels se trouvaient des prisonniers et des membres d’autres groupes présentant un risque important d’infection.

« La réponse des autorités en place n’a fait qu’aggraver les souffrances » des victimes, a-t-il ajouté.

« Il est peut-être tard mais il n’est pas trop tard », a-t-il jugé après la publication du rapport. « Le temps est venu, enfin, d’une reconnaissance nationale de ce désastre, d’une véritable indemnisation et de donner raison à tous ceux qui ont été si terriblement lésés », a-t-il ajouté.

Le rapport énumère une longue liste de reproches adressés aux autorités.

Ainsi, le système de santé n’a informé que tardivement les personnes infectées, parfois des années après, tandis que les autorités n’ont pas retiré les produits sanguins à risque lorsque des craintes sur leur qualité ont été soulevées.

Le NHS n’a pas suffisamment cherché à réduire ses importations de produits sanguins en provenance des États-Unis, tandis que les dons de sang au Royaume-Uni n’étaient pas contrôlés de manière adéquate.

Jour mémorable

Le rapport dénonce surtout la responsabilité des gouvernements successifs, qui ont tardé à agir lorsque le scandale a émergé.

« Il est temps désormais de reconnaître au niveau national ce désastre et d’accorder une juste compensation à tous ceux qui ont subi un préjudice », note Brian Langstaff.

Certaines victimes ont déjà reçu une première indemnisation de 100 000 livres en 2022 après la parution d’un rapport d’étape. Mais le coût final doit être annoncé cette semaine et devrait atteindre plusieurs milliards de livres.

C’est un « jour mémorable », a réagi au cours d’une conférence de presse Andrew Evans, cofondateur du groupe « Tainted Blood » (sang contaminé), hémophile et lui-même contaminé par le VIH et l’hépatite C à l’âge de cinq ans.

« Parfois, nous avons eu l’impression de crier dans le vide ces quarante dernières années. Ce qui se passe aujourd’hui nous prouve que cela peut arriver au Royaume-Uni », a-t-il ajouté.

Le président de l’association Heomophilia Society, Clive Smith, regrette quant à lui qu’étant donné le temps écoulé, « malheureusement (…) nombreux soient ceux qui n’obtiendront pas justice ».