Mise au point par des chercheurs de l’École polytechnique, du CNRS, de l’Inserm et de Sorbonne université regroupés au sein du Laboratoire d’optique et biosciences (LOB) et de l’Institut de la vision, ChroMS est une nouvelle technique de microscopie associant couleur, 3D et haute résolution, qui bouleverse l’imagerie du cerveau des vertébrés.

En la matière, les chercheurs devaient jusqu’à présent privilégier la résolution ou le volume : soit ils obtenaient de la très haute résolution avec la microscopie électronique tridimensionnelle, mais sur un volume trop réduit pour retracer un circuit neuronal complet, soit ils disposaient d’une image entière du cerveau, mais cette fois à une résolution trop large pour saisir les détails.

Le principal bénéfice de l’approche d’imagerie ChroMS (pour Chromatic Multiphoton Serial imaging) est d’offrir une « visite virtuelle » à haute résolution, c’est-à-dire à l’échelle de la cellule, de certaines parties du cerveau essentielles pour comprendre le développement des circuits neuronaux. Les données sont issues de cerveaux de souris transgéniques dans les neurones desquelles ont été introduits des marqueurs fluorescents issus de méduses ou de coraux, qui, une fois stimulés par un laser infrarouge, permettent d’obtenir la couleur.

« L’instrument est idéal pour reconstruire en 3D avec une très grande précision des régions du cerveau, de quelques millimètres-cubes de volume, ce qui est une première avec cette qualité d’images, et qui constitue l’échelle pertinente par rapport à ce que nous voulons observer, explique Emmanuel Beaurepaire, du LOB. Nous pouvons aussi reconstituer un cerveau entier de souris, avec une moindre précision, dans la version actuelle de notre instrument ».

Image légendée
Vue d’un détail d’un volume de 4,8 mm3 de cortex de souris dans lequel les astrocytes sont marqués avec des protéines fluorescentes de couleurs différentes © Image : Lamiae Abdeladim, LOB, École Polytechnique/CNRS/Inserm ; marquage transgénique : Solène Clavreul, Institut de la Vision, Sorbonne université/Inserm/CNRS

« Nous nous intéressons plus particulièrement au lignage cellulaire, précise Jean Livet, de l’Institut de la vision, c’est-à-dire la façon dont se développe le cerveau à partir de cellules souches neurales : quelles sont les cellules filles issues d’une cellule souche donnée, comment une mutation de la cellule souche a pu influer sur leur développement, comment les groupes de cellules générées par différentes cellules souches s’agencent les uns par rapport aux autres, c’est toute cette histoire d’une région du cerveau, codée dans la couleur, que nous révèlent les images grand volume de ChroMS ».

Les neurones issus d’une même cellule souche se connectent-ils de façon préférentielle entre eux pour remplir une fonctionnalité donnée ? Des pathologies comme l’épilepsie peuvent-elles être reliées à des problèmes localisés affectant certaines cellules souches neurales ? Les chercheurs disposent désormais d’un nouvel outil pour tenter de répondre à ces questions, et à d’autres, très anciennes en neurosciences. Au-delà, ChroMS pourrait aussi être utilisé pour l’étude des autres organes que le cerveau, ou l’étude de l’embryogénèse.