Antoine Flahault
Épidémiologiste
-La communauté des épidémiologistes n'aime pas trop parler de risques confinés à une zone géographique.
On ne parlera pas des risques pour une population européenne pour plein de raisons.
D'abord, qu'est-ce que la population européenne ?
La population européenne est très hétérogène et composée de beaucoup de migrants.
Elle voyage beaucoup, se retrouve, pour ses vacances ou pour son travail, très souvent projetée à l'autre bout du monde.
Donc les risques de la population européenne sont de plus en plus les risques de la population mondiale.
Cela étant dit, on peut s'apercevoir, par exemple, que le nom des virus était souvent localisé.
On disait la fièvre de la vallée du Rift, le virus du Nil occidental.
Ce genre de langage n'a presque plus de sens aujourd'hui.
Le virus du Nil occidental, le "West Nile virus", est aujourd'hui aux États-Unis, au Canada.
Donc penser qu'une maladie va rester tropicale, par exemple, est quelque chose qui n'a plus de sens.
Ce n'est pas nouveau.
Le paludisme était, au XIX siècle, en Europe.
Jusqu'au milieu du vingtième siècle, le paludisme était en Camargue et en Corse.
Donc vous pouvez avoir des pathologies qui régressent, voire qui se confinent dans un endroit alors qu'elles étaient mondiales.
On a, à cause de tout cela, des difficultés à être géographique.
Tout germe peut potentiellement venir à tout endroit de la planète et déclencher des épidémies.
On pourrait avoir des épidémies de dengue à nouveau en Europe.
Il y a eu de la dengue en Grèce dans les années 1920.
Un million de personnes ont eu cette maladie transmise par un moustique.
Elle pourrait revenir.
Certaines pathologies pourraient aussi régresser, y compris là où elles sont très implantées.
Les grands risques, aujourd'hui, que l'on sait le moins bien maîtriser ne sont pas les maladies terrifiantes, le virus Ebola, même si, en 2014, il cause une épidémie assez grave en Guinée, par exemple.
Ce sont plutôt des maladies à bas bruit.
La grippe est plus redoutable parce qu'une grande partie de la population peut être atteinte et que, finalement, on n'arrive pas à la maîtriser aussi bien qu'une maladie très dangereuse.
Quand les gens sont très malades, qu'on peut les bloquer à l'aéroport.
Une mobilisation internationale peut empêcher sa diffusion.
Mais ces maladies, où des gens ont à peine quelques symptômes au début de l'infection, voire sont asymptomatiques, sont capables de se propager de façon énorme.
Le sida, par exemple, ne fait pas de bruit tant qu'il n'est pas très invasif, ce qui le rend particulièrement dangereux.
Ce sont ces maladies qu'il faudra savoir prévenir et qui seront les plus difficiles à juguler.