FILM : « Le manchot et les bactéries » Voix off : Dans les colonies de Manchots Royaux des Iles Crozet, au moment de l’éclosion des œufs, ce sont le plus souvent les mâles qui nourrissent leur progéniture. Pour cela, ils régurgitent des poissons ou des calamars présents dans leur estomac depuis trois semaines. Quelle est l’origine d’une telle capacité de conservation des aliments et quels pourraient en être les bénéfices pour l’homme ? Chercheur : Habituellement, la femelle revient pour nourrir le poussin. Le problème, c’est que lorsque que la distance pour la femelle qui est partie s’alimenter en mer est beaucoup trop grande, c’est à dire atteint 500 ou 600 km, elle revient en retard. Et ce qu’on a mis en évidence, c’est qu’à ce moment-là le mâle, bien qu’il soit là en train de jeûner depuis trois semaines en train de couver l’œuf, nourrit le poussin à l’éclosion. Ca veut dire, soit qu’il y a une sécrétion de nourriture dans l’estomac, ou bien qu’il a conservé la nourriture. Mais, dans ce cas là, l’estomac, on l’a vérifié, c’est 37 degrés, ca veut dire que cette nourriture a été conservée à 37 degrés pendant trois semaines. Voix off : Une telle température et un régime très protéiné à base de poissons et de calamars sont des conditions idéales pour favoriser une prolifération bactérienne. Pourtant, les poussins manchots ne développent aucune pathologie. L’équipe du professeur Le Maho a réussi à réaliser des prélèvements dans l’estomac du manchot pour déterminer les causes de cette absence de contamination. Chercheur : C’est un travail pluridisciplinaire. Nous, on avait le savoir faire du terrain et le savoir faire pour l’analyse des échantillons, il était du côté des chimistes. Cécile Thouzeaux était dans le laboratoire de Jules Hoffmann. On a découvert que les bactéries étaient dans un état de torpeur, et c’est grâce à tout le savoir faire de Philippe Bulet sur les molécules antimicrobiennes que nous avons pu tester l’idée que j’avais eue au départ qu’il y avait une substance antimicrobienne de produite dans l’estomac. Finalement a été découverte une petite protéine de 38 acides animés de la famille des défensines. C’est une défensine de manchot royal. Elle diffère des autres défensines, elle a donc des particularités également que n’ont pas les autres défensines. L’homme produit des défensines également, ce sont en fait de petites protéines antimicrobiennes qui vont nous protéger. On a découvert que cette molécule est à la fois très active contre l’une des bactéries qui est le problème majeur en milieu hospitalier, dans les maladies nosocomiales, qui est le staphylocoque doré. Elle s’est révélée également très active contre un champignon pathogène qui est le champignon aspergylus responsable de l’aspergylose. L’un des intérêts de cette molécule, c’est qu’elle est active en milieu salin tout simplement parce qu’elle se trouve en milieu salin. L’estomac du manchot a une salinité qui est très proche de l’œil humain, or on manque de molécules antimicrobiennes pour les infections oculaires. La structure de ces petites protéines, elle est intéressante parce qu’on sait qu’elle permet beaucoup moins facilement aux bactéries d’acquérir une résistance, et c’est le grand problème actuel, c’est celui de la résistance des bactéries aux antibiotiques. Habituellement, la plupart des molécules d’intérêt biomédical sont trouvées dans les plantes. La découverte de la sphénicine montre que la biodiversité animale est aussi une fantastique source d’inspiration. Voix off : Il reste encore de nombreuses molécules naturelles à découvrir dans le monde animal afin de remplacer les antibiotiques auxquelles les bactéries deviennent de plus en plus résistantes.
Réalisation :
Pascal Moret , Jean-Philippe Camborde
Production :
La Belle Société - Universcience - CNRS Images - Inserm - France Télévisions - MNHN - A way to wake up - Ceebios - Ville de Senlis - Biomimicry Europa
Année de production :
2016
Durée :
4min09
Accessibilité :
sous-titres français