Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir
Charles Baudelaire
Comme le vin qui se bonifie avec le temps, la viande a besoin de maturation pour être tendre et goûteuse. C'est le travail du boucher que de contrôler, de l’élevage à l’étalage, le pourrissement de la viande — bien qu'on préfère généralement parler de « rassissement » — pour atteindre quelques sommets de délices carnivores.
Le rassissement est un processus qui débute immédiatement après la mort de l’animal. D’abord, l’acide lactique, qui se forme après l’abattage, lie les fibrilles du muscle entre elles : la viande durcit. C’est la raideur cadavérique. Puis, des enzymes prennent le relai et dénaturent les protéines : la viande s’attendrit.
Pour contrôler ce processus biochimique d’attendrissement dans les meilleures conditions, la viande est nettoyée puis réfrigérée tout de suite après l’abattage. C'est ce qu'on appelle le ressuage. Des heures durant lesquelles le corps des bêtes se refroidit lentement jusqu’à atteindre la température du frigo, entre 0 et 2°.
Autour de ce que les bouchers appellent « le grain » de la viande, il y a une aponévrose (une membrane très fine) qui leur permet de distinguer une espèce d’une autre, car le grain de l'agneau n'est pas le même que celui du bœuf ou du porc. Au cours du rassissement, les bactéries anaérobies — qui se développent dans les tissus, sans besoin d’oxygène — grignotent, jour après jour, ces petites membranes. C'est ainsi que s'attendrit la viande et, en même temps, que se développe son goût. Selon l’âge de la bête, sa rusticité, la carcasse peut ainsi rassir pendant plus de 40 jours pour de grosses bêtes comme le bœuf.
Pour bien faire, la couche de graisse extérieure est conservée, car elle protège la viande durant la maturation. Mais au niveau de chaque coupe, au contact de l’air, la viande noircit et des champignons peuvent même se développer. Le boucher passe la main sur ces champignons pour vérifier leur bonne odeur. Et une fois que les bactéries et les champignons ont bien travaillé, cette partie est ensuite retirée : on enlève les 3 centimètres d’épaisseur. Le boucher jette cette partie dans le bac à suif. Ce déchet est ensuite récupéré pour les fabricants de produits de beauté. Il suffit ensuite de découper, de cuire et de déguster !