From hour to hour, we rot and rot…
D’heure en heure, nous pourrissons et nous pourrissons.
Shakespeare
Autrefois la fabrication du fromage était aléatoire, puisqu'on ne savait pas réguler la température et l’humidité. Et c'est ce qui a permis, entre autres, la découverte du roquefort ! Mais de nos jours, le fromage résulte d’une fermentation parfaitement maitrisée.
Le processus de transformation du lait en fromage fait intervenir une succession de bactéries (Lactococcus lactis, actinobactéries) et de champignons (levures et Penicillium) qui collaborent pour agir sur les caractéristiques sensorielles des fromages. La production d’acide lactique par les bactéries lactiques, combinée avec l’action de la présure, provoque le caillage, c’est-à-dire la coagulation des protéines du lait. Dès le 1er jour d’affinage, les levures se développent en consommant l’acide lactique et permettent ainsi, après 10 jours d’affinage, la neutralisation du caillé et la croissance de bactéries d’affinage.
L’ensemble très diversifié de ces micro-organismes vit en communauté, soit à la surface où ils forment « la croûte », soit dans la pâte.
Le fromager utilise les microorganismes par contact. Dans sa cave, il mélange les fromages d'une certaine façon pour que les microorganismes désirés exercent leur influence.
Il agit également en retournant les fromages car les microorganismes diffèrent selon qu’ils sont sur ou sous la croûte, en le lavant avec une saumure ou de l’alcool, en le coiffant ou en le brossant pour se débarrasser d’un nombre trop croissant d’acariens.
Ainsi, les activités enzymatiques des groupes microbiens provoquent au cours du temps des modifications physicochimiques importantes au sein du caillé en terme de texture, d’arôme et de couleur : le lait devient fromage. Magie de la chimie des microorganismes, ce qui n'aurait dû être que du lait caillé pourri, bon à jeter, devient un délicieux fromage !
Les plus moisis de tous, les fromages à pâte persillée, sont ceux qu'on appelle les « bleus ». La moisissure à laquelle on doit le Roquefort, par exemple, est un Penicillium de la même famille que celle fournissant la pénicilline : le Penicillium roqueforti. On l’appelle « pinceau du Roquefort » parce que les structures qui produisent les spores sont en forme de pinceau, dont les poils sont répartis sur plusieurs étages et de façon asymétrique.
Quant aux fromages comme ceux du pays du Velay, la mimolette vieille, et certaines tommes, ils doivent leur caractère à l'intervention … d'acariens. C'est l'acarus Ciro, acarien des fromages qui, dispersé sur les fromages comme une poudre, joue un rôle important dans leur affinage, car en transperçant leur croûte, il leur permet de respirer. En échange de ce petit service, il vit, grouille et se reproduit dans le fromage !
Mais les amateurs de fromages font facilement abstraction de cette information dérangeante quand il s'agit de passer à table !