FILM : « Un pêcher contre la douleur » Voix off : Le pêcher africain est un petit arbuste très répandu dans toute l’Afrique subsaharienne, au Sénégal, au Bénin, au Cameroun ou au Congo. Son nom de plante en latin est Naucléa Latifolia. Il produit des petits fruits comestibles qui ressemblent à des pêches. Ce pêcher africain est utilisé en médecine traditionnelle, depuis plus de cent ans, pour traiter des pathologies comme l’épilepsie, la fièvre, le paludisme et la douleur. Quel est son secret ? Chercheur : Un étudiant camerounais est venu nous voir, il avait déjà validé l’idée selon laquelle les extraits issus de la racine étaient biologiquement actif dans le traitement de la douleur. Donc on savait qu’à partir de ces racines on devait être capable d’identifier une molécule qui était capable de traiter la douleur. Alors les morceaux d’écorce qu’on a pu recueillir, qui viennent directement du nord du Cameroun, dès que nous les réceptionnions sont broyés avec un broyeur et ensuite nous faisons toute une série d’extractions à l’aide de différents solvants qui nous permettent d’isoler des molécules solubles dans le solvant d’intérêt. A l’écran, vous avez la structure chimique de la molécule la plus active que l’on ait pu trouver dans les racines de Naucléa Latifolia. Aussi incroyable que cela puisse paraître, cette molécule est la même, est identique, à une molécule que l’on retrouve dans de très nombreuses pharmacies à travers le monde. Voix off : Cette molécule synthétique s’appelle le Tramadol. Elle a été synthétisée dans les années 70 par l’industrie pharmaceutique allemande. Ce médicament, qui est très utilisé pour traiter la douleur, est un dérivé de la morphine avec moins d’effets secondaires. L’homme n’a donc pas ici copié la nature, mais il a fait comme elle sans le savoir Chercheur : Moi je parlerai plutôt de biomimétisme anticipé dans la mesure où ce chimiste allemand croyait avoir découvert une nouvelle molécule quand il a modifié la morphine, qui je le rappelle est une molécule naturelle qui est extraite du pavot, qui l’est toujours d’ailleurs. Il la modifie, il fait le tramadol et il pense avoir inventé quelque chose. En réalité, il a découvert sans le savoir, ce que la nature avait déjà fait, ce que l’on a redécouvert quarante ans après, que cette molécule est produite par la plante. La concentration au sein de ces racines est extrêmement importante. On trouve des concentrations de l’ordre de 0,4%. A partir d’un arbre, on sait qu’il y a à peu prés 2,5kg de racine. Une pilule de tramadol cela fait 50 mg. On pourrait produire à peu prés 200 pilules de tramadol à partir d’un seul arbre. C’est beaucoup. Voix off : C’est la première fois qu’un médicament de synthèse est découvert à de si fortes doses dans une source naturelle, et trois laboratoires indépendants ont confirmé ces valeurs de concentration. Ce qui permet d’envisager sa production de manière biologique à partir de la culture du pêcher africain Chercheur : Le tramadol est un marché économique énorme. Le marché actuel est d’à peu prés, si je ne me trompe pas, de 11 milliards de dollars annuels pour le tramadol synthétique. On estime que c’est un marché qui est en croissance dans le monde. L’exploitation commerciale de Naucléa Latifolia pour la production de tramadol serait en tout cas une démarche écologique, éthique, économiquement viable pour un développement durable des pays concernés. Et ca valide également, l’approche ethno-pharmacologique, l’usage traditionnel des plantes auquel on devrait faire plus confiance. 90 % de la population mondiale utilisent toujours des plantes comme traitements médicamentaux plutôt que l’utilisation de produits de l’industrie pharmaceutique. L’homme compose avec ce que la nature peut lui offrir et on se rend compte que la nature est encore d’une énorme richesse, d’une très grande importance pour la découverte de nouveaux médicaments et de nouvelles molécules Voix off : Il existe, en Afrique, plus de dix espèces voisines du pêcher africain. On pourrait donc envisager des traitements bon marchés pour les populations locales.
Réalisation :
Pascal Moret , Jean-Philippe Camborde
Production :
La Belle Société - Universcience - CNRS Images - Inserm - France Télévisions - MNHN - A way to wake up - Ceebios - Ville de Senlis - Biomimicry Europa
Année de production :
2015
Durée :
4min48
Accessibilité :
sous-titres français