Vers de terre : une étude alerte sur l'impact des pesticides A quel point les vers de terre souffrent-ils de l’agriculture moderne ? Et bien personne ne le sait vraiment… Mais une étude française inédite, propose de commencer l’état des lieux en la matière. Car il faut le savoir : pour leur homologation, les produits phytosanitaires sont testés en laboratoire sur une seule espèce de vers, plutôt résistante… On est donc loin de connaître les effets des pesticides en conditions réelles, sur les quelque 7000 espèces de vers de terre qui peuplent nos sous-sols… Céline Pelosi, écologue à l’INRAE a dirigé cette première étude, et a choisi comme candidat un lombric particulièrement exposé aux épandages agricoles. Itw Céline Pelosi, Ecologue, INRAE « L’espèce que l’on a utilisé pour ces analyses de pesticides est l’espèce Allolobophora chlorotica, Donc c’est un ver de terre qui est vert et qui vit dans les quelques premiers centimètres du sol, les 5 premiers centimètres, et qui donc potentiellement est plutôt exposé aux pesticides. Et cet animal, ainsi que tous ses congénères, contribuent fortement à l’équilibre des sols : Itw Céline Pelosi, Ecologue, INRAE « Les vers de terre vont avoir un rôle très important dans le sol puisqu’ils vont participer à la dégradation des matières organiques, à l’aération du sol, au drainage de l’eau. Et c’est aussi des interactions avec d’autres organismes du sol de la macrofaune, mais également avec des organismes plus petits de la mésofaune et aussi avec les microorganismes, également des interactions avec les racines des plantes, donc c’est toute une organisation qui est perturbée quand il y a une atteinte à un des organismes du sol dont les vers de terre font partie. » Au printemps 2016, dans une grande plaine céréalière située dans les Deux-Sèvres, l’équipe a recherché la présence de trente et une substances : insecticides, fongicides ou herbicides, fréquemment utilisées en agriculture et potentiellement nocives pour les vers de terre. Mais les chercheurs n’ont pas limité leur périmètre d’étude aux surfaces cultivées. Ils ont également prélevé des échantillons en parcelles biologiques ou dans les éléments semi-naturels du paysage, comme les haies, les prairies ou les zones boisées en bordure de champs. Et surprise : tous les milieux étaient contaminés… Itw Céline Pelosi, Ecologue, INRAE « Ces résultats laissent quand même penser qu’il y a des transferts de pesticides des zones traitées vers les zones non-traitées. Et ces zones non traitées, les haies, les zones boisées, sont considérées comme des zones refuge pour la biodiversité. » Quant aux vers, parmi les 155 individus prélevés, 92% contenaient au moins un pesticide, et certains accumulaient des concentrations d’insecticide néonicotinoide extrêmement élevées. En plus de constituer une menace pour tout le reste de la chaine alimentaire, cette intoxication a une forte incidence sur les capacités de reproduction des lombrics : Itw Céline Pelosi, Ecologue, INRAE « Dans un sol sain on peut retrouver jusqu’à 15 espèces de vers de terre et des densités qui peuvent atteindre jusqu’à 400, 500 vers par mètre carré, et dans les parcelles plus dégradées on va avoir une biodiversité qui va être plus appauvrie avec parfois 2 ou 3 espèces de vers de terre et avec des densités qui peuvent avoisiner les 50 vers par mètre carré. » Pour Céline Pelosi, le sort du ver de terre constitue une véritable urgence écologique, insuffisamment prise en compte… Itw Céline Pelosi, Ecologue, INRAE « Je dirais que les vers de terre sont le pendant du sol, des abeilles au niveau de l’atmosphère et je pense que c’est maintenant qu’il faut réagir, qu’il faut prendre des mesures. Le sol a historiquement été un peu moins étudié parce qu’il n’y a pas de directive cadre sur le sol, donc c’est un peu moins cadré que pour l’air ou pour l’eau. » Grace à ces travaux, l’équipe souhaite pouvoir formuler des recommandations, pour notamment mieux respecter les cycles de vie des animaux : Itw Céline Pelosi, Ecologue, INRAE « Alors il y a des périodes d’activité des vers de terre, à savoir le printemps et l’automne, donc finalement, quand sont plus ou moins appliqués les pesticides. Donc les choses sur lesquelles on peut jouer c’est les fréquences d’application, certaines molécules aussi qui posent plus de problèmes que d’autres. Il y a l’herbicide diflufenican qui est un herbicide très utilisé en grandes cultures que l’on a retrouvé à des doses très importantes, il y a le fongicide époxiconasol qui a des effets néfastes notamment sur la reproduction et puis il y a l’insecticide imidaclopride dont on parle beaucoup et qui est aussi préoccupant parce que relativement toxique pour les vers de terre que ce soit des effets sur le comportement ou sur la reproduction. Donc on espère effectivement que ces données pourront être prises en compte pour trouver des alternatives aux pratiques actuelles. »