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Un embouteillage à New Delhi, enveloppée dans un épais nuage de pollution, le 12 novembre 2021 © AFP/Archives Prakash Singh

Dans un contexte sensible de guerre en Ukraine qui expose la dépendance des économies aux énergies fossiles, les experts climat de l’Onu (Giec) publient cet après-midi leur éventail de scénarios pour limiter le réchauffement et ses impacts déjà dévastateurs. Le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, a été  limpide le jour de l’ouverture des discussions des 195 Etats membres du Giec, il y a deux semaines : la dépendance au pétrole, au charbon et au gaz est une « folie ». 

« Nous marchons les yeux fermés vers la catastrophe climatique » et « si nous continuons comme ça, nous pouvons dire adieu à l’objectif de 1,5 °C. Celui de 2 °C pourrait aussi être hors d’atteinte », a-t-il insisté, en référence aux objectifs de l’Accord de Paris. Après plus d’un siècle et demi de développement fondé sur les énergies fossiles, la planète s’est réchauffée d’environ +1,1 °C en moyenne par rapport à l’ère pré-industrielle, ce qui entraîne déjà des épisodes plus nombreux de canicules, sécheresses, tempêtes ou inondations.

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Une cheminée de l’aciérie Usiminas à Ipatinga, au Brésil, le 5 novembre 2021 © AFP/Archives Nilmar Lage

Dans le premier volet de son rapport publié en août 2021, le Giec pointait du doigt l’accélération du réchauffement, prédisant que le seuil de +1,5 °C par rapport à l’ère pré-industrielle pourrait être atteint déjà autour de 2030. Le deuxième volet, fin février, dressait un tableau très sombre des impacts passés, présents et futurs sur la population et les écosystèmes, soulignant que retarder l’action réduisait les chances d’un « avenir vivable ».

Le troisième opus se penche sur les chemins possibles pour freiner le réchauffement, en déclinant les possibilités par grands secteurs (énergie, transport, industrie, agriculture…) sans oublier les questions d’acceptabilité sociale et la place des technologies comme le captage et le stockage du carbone. Cela passe par des transformations majeures dans tous les secteurs de l’économie, insistent les experts. Des transformations qu’il faut engager dès maintenant pour espérer respecter les objectifs de l’Accord de Paris. « Un nouveau délai dans l’action mondiale n’est pas une option », avait insisté, lors de l’ouverture de la session, le patron du Giec, Hoesung Lee.

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Le patron du Giec, le Sud-Coréen Hoesung Lee, à Monaco le 25 septembre 2019 © AFP/Archives Yann Coatsaliou

Ces questions touchent à l’organisation même de nos modes de vie, de consommation et de production, sur laquelle les 195 Etats membres n’ont pas la même vision. Le passage au crible par les délégations en visioconférence, ligne par ligne, mot par mot, du « résumé pour les décideurs », condensé des milliers de pages du rapport scientifique, a d’ailleurs débordé de plus de 48 heures, décalant la publication de quelques heures aujourd’hui. Dans un contexte rendu plus sensible par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui fait craindre à certains militants une dilution du message.

« La crise climatique s’accélère et les énergies fossiles en sont la cause majeure. Un rapport sur la baisse des émissions qui ne soulignerait pas cet état de fait nierait la science sur laquelle le Giec se repose », a indiqué Nikki Reisch, du Center for International Environmental Law.

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L’augmentation de la probabilité et de l’intensité des événements climatiques extrêmes © AFP Simon Malfatto

Alors que selon l’Onu, les engagements actuels des États, s’ils étaient respectés, mèneraient vers un réchauffement « catastrophique » de +2,7 °C, les signataires de l’Accord de Paris sont appelés à renforcer leurs ambitions d’ici la conférence sur le climat COP27, en Egypte, en novembre prochain. 

Mais après une COP26 qui s’est conclue sur un « optimisme naïf », pour Antonio Guterres, la guerre en Ukraine pourrait à l’inverse faire dérailler l’action en faveur du climat. « Si les dirigeants mondiaux, publics et privés, ne font pas de progrès pour mettre en place des plans climat clairs dans les deux prochaines années, les plans (de neutralité carbone) pour 2050 pourraient être hors sujet », a mis en garde la patronne de l’Onu-Climat Patricia Espinosa.