Le projet de loi inscrivant l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution est présenté ce mardi 12 décembre en Conseil des ministres. Réclamée de longue date par les associations féministes, cette initiative est saluée mais la formulation retenue ne fait pas l’unanimité. En effet, le projet de loi retient in fine la « liberté garantie » aux femmes de recourir à l'avortement, plutôt que le « droit à l'IVG » qui avait les faveurs des militants des droits des femmes.

Image légendée
Photo de la Constitution de 1958, le 21 juin 2018 au Conseil constitutionnel, à Paris © AFP/Archives JOEL SAGET

Ces dernières, tout comme la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), mettent en avant le fait que la notion de liberté est moins forte juridiquement que celle de droit fondamental. Ainsi, son application dépendra de l'interprétation du législateur qui pourra définir les conditions d'accès à l'IVG, et potentiellement les restreindre. 

L’inscription à l’IVG dans la Constitution est une demande de longue date des associations féministes et de la gauche. Cette question a ressurgi en 2022 après l'annulation de l'arrêt garantissant aux Etats-Unis le droit d'avorter sur tout le territoire. Mesure qui a provoqué un électrochoc dans de nombreux pays. Notamment en France où des voix se sont élevées pour réclamer des actions fortes afin d'éviter une telle régression en matière de droits des femmes dans l'Hexagone. 

« Les libertés reconnues aux femmes, que l'on pensait en quelque sorte impossible de faire reculer, sont remises en cause par des mouvements politiques, parfois par des dirigeants qui arrivent au pouvoir, par des jurisprudences qui changent, en fonction d'équilibre politique », a souligné Emmanuel Macron ce dimanche 10 décembre à l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration des Droits de l’Homme. « C'est pourquoi la France se félicite de montrer l'exemple », a-t-il ajouté. 

Dans les faits, l'inscription du recours à l'IVG dans la Constitution est avant tout symbolique. Cela compliquerait les tentatives de le supprimer ou de lui porter gravement atteinte, mais il pourrait toujours être abrogé par une nouvelle révision constitutionnelle.

Image légendée
Hémicycle de l'Assemblée nationale @ DAVID DEBRAY / Getty Images

Un « symbole fort » 

Dans les rangs des associations féministes, on salue un « symbole fort ». L'inscription dans la Constitution « ne va pas changer la manière dont aujourd'hui les femmes ont recours à l'avortement en France, ce n'est pas suffisant pour améliorer les choses », souligne la présidente de la Fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert. Il y a notamment des problèmes d'accès à l'IVG liés à la fermeture de maternités. 

« Néanmoins, ça nous paraît nécessaire, dans le contexte international d’une grande violence et d’attaques coordonnées de mouvements anti-avortement, de réaffirmer le caractère fondamental de ce droit et le camp où se situe la France », ajoute-t-elle. 

« On est dans une situation qui fait que la meilleure écriture est celle qui sera votée le plus rapidement possible et c'est un compromis », abonde la présidente du Planning familial, Sarah Durocher. 

À l'inverse, l'association pro-vie Alliance Vita voit dans l'inscription de l'IVG dans la Constitution un « non-sens » et juge la mise en place d'une vraie « politique de prévention de l’avortement plus que jamais nécessaire ». 

Autorisée temporairement en 1975 par la loi Veil, l'IVG est définitivement légalisée en France en décembre 1979. La loi s'est depuis étoffée, avec un délai légal étendu à 14 semaines et une prise en charge à 100 %. Selon les derniers chiffres officiels, 234 300 IVG ont été enregistrées en France en 2022.