Antoine Flahault
Épidémiologiste
-Un auteur, Nassim Nicholas Taleb, économiste américain et libanais, a écrit un livre intitulé "Le Cygne noir", "Black Swan".
Le cygne noir, ce sont les phénomènes que l'on ne sait pas bien prédire.
Le cygne noir, c'est bizarre.
Un cygne, c'est blanc.
On n'en a connu que des blancs, donc le prochain que je connaîtrai le sera.
Jusqu'à ce qu'on découvre l'Australie où il y a des cygnes noirs.
Donc, votre expérience passée ne vous permet pas de prédire le futur.
Et vous ne pouvez pas, pour certaines variables...
Taleb l'explique bien.
Il est économiste, il s'intéresse peu aux épidémies, mais je prends cette analogie, car, à mon avis, les grandes crises économiques ne sont pas faciles à prédire, tout comme les épidémies.
On sait qu'il peut y avoir de futures épidémies de grippe.
On redoute toujours une maladie émergente, comme le sida, que personne n'avait prédit.
Peu avant que le sida n'émerge, le Surgeon General, le directeur général de la santé aux USA, avait dit : "Nous pourrons bientôt refermer le livre des maladies infectieuses, tellement nous avons accumulé de victoires contre les maladies infectieuses, avec les vaccins, etc." Et le sida allait apparaître quelques années plus tard, faire des victimes, et d'ailleurs susciter de grosses recherches pour lutter contre.
Prédire les épidémies est très difficile.
Quand les épidémies ont commencé à démarrer, on peut essayer de prédire leur trajectoire.
Il y a une théorie mathématique des épidémies qui permet de modéliser sur ordinateur les dynamiques épidémiques.
Ça n'est peut-être pas aussi efficace que la prédiction de la mécanique céleste des astres.
On sait prédire les éclipses de Lune avec précision, des années à l'avance.
On sait prédire les marées, etc., avec beaucoup de précision, car l'horloge astronomique est très précise et très reproductible.
Ça n'est pas pareil pour l'économie, pour les épidémies, et d'autres phénomènes.
Malgré tout, ces modèles, comme la météorologie, s'appuient sur les données recueillies en temps réel.
Avec Internet, on a beaucoup de données qui permettent de tenter des prévisions pas si mauvaises en matière de trajectoire.
La chose qu'on ne sait pas prédire, c'est la sévérité d'une épidémie.
La communauté épidémiologiste internationale était incapable de prédire le nombre de décès que la grippe H1N1, par exemple, la dernière pandémie de grippe, allait donner. Personne n'avait prédit qu'elle en donnerait moins que les grippes saisonnières.